L'ombre d'une femme (French Edition) by Thérésa Révay

L'ombre d'une femme (French Edition) by Thérésa Révay

Auteur:Thérésa Révay [Révay, Thérésa]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: (La Table Ronde) réédition numérique FeniXX
Publié: 1987-12-31T23:00:00+00:00


Elle l’avait nommé Patrick et il écoutait résonner en lui : « Patrick de Vaillencourt, Patrick de Vaillencourt », le nom d’un autre. Mais le visage de Laura était si apaisé depuis la naissance qu’il était heureux, espérant secrètement qu’elle aurait aussi un jour un fils de lui, un véritable Vaillencourt, un vrai de vrai.

Laura s’occupait entièrement de Patrick. Elle veillait sur lui avec une attention jalouse et tolérait à peine sur son enfant les regards des autres femmes, de sa belle-mère, grande et digne, bien que déjà légèrement voûtée, de sa belle-sœur qui ne lui adressait que quelques mots de politesse ou celui attendri de Yolande.

Il découvrait une autre Laura, qui, lorsqu’elle les trouvait trop nombreux, prenait son enfant dans les bras avec un geste protecteur, presque nerveux. Elle le serrait contre elle, et ils ne formaient plus qu’un, la mère et l’enfant. Patrick pleurait peu, il préférait fixer les autres de ses yeux foncés et les observer intensément. Christophe s’asseyait parfois par terre en face de lui et tous deux se contemplaient ainsi pendant de longues minutes, jusqu’à ce que Laura éclate de rire et les sépare.

Il aimait la voir assise dans la cuisine, nourrissant l’enfant d’un geste régulier, avec une cuillère en argent, cadeau de baptême. Elle le faisait sérieusement, en murmurant des mots doux, des paroles qu’il ne comprenait pas, ce langage secret de la mère à l’enfant. Puis elle essuyait sa bouche et le mettait sur son épaule. Deux, trois fois elle tapotait son dos, avant de l’embrasser encore.

Il découvrait dans ses gestes de mère une autre facette de la Laura qu’il avait connue adolescente, puis femme. Elle était peut-être encore plus tendre et plus éloignée de lui, encore plus douce, tranquille, mais en même temps craintive et effarouchée s’ils laissaient l’enfant trop longtemps. La naissance l’avait surprise. Elle semblait avoir de la peine à croire que cette petite chose qui grandissait si vite était bien d’elle.

Le soir, lorsque l’enfant dormait, Laura souriait à Christophe, un sourire confiant, un remerciement muet. Mais ce sourire lui rappelait trop celui de sa propre sœur lorsque, plus jeunes, il l’aidait à grimper aux arbres ou à courir à perdre haleine dans la forêt. C’était le sourire d’une sœur à son grand frère, le protecteur, le juste, en qui on a placé toute sa confiance et vers lequel on tend la main. C’était le sourire de Pennbury et celui de Hyde Park, toujours le même, alors que lui n’aspirait qu’à un seul sourire sur ce visage, le sourire qu’il n’y avait jamais encore vu et qui lui faisait cruellement défaut, celui qui vient de l’intérieur, chaud, troublant, et qui illumine le corps : le sourire de l’amour.

Alors parfois il détestait cet enfant qui accaparait Laura et l’empêchait de l’aimer, lui, comme un homme, car dans chaque geste enfantin, dans chaque expression, elle devait forcément retrouver l’autre, le père, celui avec lequel elle avait vécu pendant un an, le seul homme qu’elle ait jamais aimé.

Il lui en voulait terriblement dans ces moments-là.



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